Diary of the day wrote by student the day after
Tous les jours un participant raconte ce qu'il s'est passé la veille
GUEST :
Rencontre avec Alexandre Costanzo [Philosophe]
Présentation brève du film de 1970 "Les Yeux ne veulent pas en tout temps se fermer, ou Peut être qu’un jour Rome se permettra de choisir à son tour" de Jean Marie Straub et Danièle Huillet et d’après Othon de Pierre Corneille.
En qualité de « passeur » (terme évoqué par Anne Bertrand lors de son intervention désignant toute personne dont la rencontre parfois fortuite crée une possibilité de rencontre, une orientation vers une œuvre, une personne, un lieu, marquant une avancé dans le parcours d’un artiste), Alexandre Costanzo nous a convié à nous réunir devant la projection d’un fragment du film de Jean Marie Straub et Danièle Huillet qui s’intitule Les Yeux ne veulent pas en tout temps se fermer, ou Peut être qu’un jour Rome se permettra de choisir à son tour.
L’ouverture du film s’effectue sur un travelling à travers Rome, aboutissant au creux d’un mur, creux dans lequel jadis les résistants italiens cachaient leurs armes. Puis, la première scène se déroule dans les hauteurs où deux hommes en toges surplombent la ville agitée. Adoptant une posture figée les deux hommes récitent avec de forts accents, ainsi qu’un débit de parole anormal le texte appartenant à la pièce Othon de Corneille.
Le spectateur se trouve alors contraint de choisir de porter son attention soit sur l’image soit sur le son. Le trop plein d’informations filtre la compréhension du film et nous revient alors « en pleine face » comme une expérience brutale et tout à fait inconfortable.
Cette incompréhension témoigne de l’origine même de l’acte créatif. Nos gestes, nos mots, nos idées ne nous appartiennent pas réellement. Ils sont issus d’expériences, dont les restes ont été stockés, déformés, interprétés, fragmentés. L’erreur et le malentendu travaillent d’eux mêmes dans un coin parfois oublié de l’esprit, pour alimenter les multiples connexions originelles d’une forme plastique. Nous nous imprégnons non pas d’idées, non pas de formes, mais de l’environnement qui englobe aussi bien le lieu où nous sommes installé, que la chaise sur laquelle nous sommes assis, que les propos que tiennent les personnes qui discute près de nous, que l’objet que nous tenons dans les mains, que le texte que nous sommes en train de lire, que la pensée qui nous traverse l’esprit à ce moment là, que les fragments du film d’hier qui interviennent comme des images subliminales, que l’analyse de la typographie de ce texte, que le bruit du clavier, que la musicalité des pas qui vont et viennent, que notre propre respiration ,que la série de photographies présentées le mois dernier dans artpresse, que...
Nous pouvons nous perdre dans ce brouillard épais d’influences, d’où la nécessité de l’intervention du passeur. Il s’agit de moments rares que nous nous devons de percevoir en restant conscients pour ne pas passer à côté. Le passeur, est donc cette personne qui nous donne l’outil d’un moment, d’un espace, de précision d’un objet qui peut nous paraître brutal à prime abord et qui restera peut être incompris durant des années mais finira par devenir révélateur d’une déformation bénéfique ou non au sein du parcours artistique.
GUEST :
Rencontre avec Anne Bertrand [Critique d'Art]
Critique d'art, commissaire d'exposition et professeur d'art à l'école des arts décoratifs de Strasbourg.
Que répondre à la question "Que faites vous?" lorsqu'il s'agit de définir son travail. L'artiste qui travaille à la fois la photographie et la sculpture n'est pas pour autant photographe ou sculpteur mais le photographe et le sculpteur sont artistes.
Si je cherche la définition de 'l'artiste' sur internet voilà ce que je trouve : "Un artiste est un individu faisant (une)oeuvre, cultivant ou maîtrisant un art, un savoir, une technique, et dont on remarque entre autres la créativité, la poésie, l'originalité de sa production, de ses actes, de ses gestes. Ses œuvres sont source d'émotions, de sentiments, de réflexion, de spiritualité ou de transcendent." mais cette définition n'implique pas qu'un artiste puisse maîtriser, ou du moins utiliser plusieurs 'arts'. Or c'est le cas d'un grand nombre d'artistes aujourd'hui, ce qui rend la définition d'un travail difficile et par travail j'entends le travail de toute une vie.
A cette question "que faites vous" il est récurent que les étudiants répondent "je fais tous les médias" ou "je peux faire tous les médias", 'média' désignant les différents supports et les différentes techniques, ces deux expressions renvoient très certainement à coup sur à l'idée que l'étudiant se définit comme capable de tout faire or cette idée ne correspond pas à la réalité des faits mais selon moi résulte d'une incapacité de l'étudiant à s'exprimer sur la totalité de ses gestes artistiques dans le temps.
Il me semble clair que ces expressions apparaissent comme des défauts de langages pour signaler une évolution de la pensée au sein de laquelle l'étudiant à du mal à se replacer. Si l'on considère que l'artiste et l'étudiant en art pense la forme en fonction du fond et non le fond en fonction d'un dispositif préétabli alors en fonction de l'évolution du fond et donc de la pensée de l'artiste,qui ne correspond pas à un schéma linéaire, la forme change. Ainsi nous pouvons dire que l'artiste et l'étudiant 'peuvent' travailler avec différents médias tout au long de leurs vies d'artistes, le terme 'pouvoir' n'indiquant pas une capacité mais une possibilité. En revanche la réponse "j'ai la possibilité de travailler avec différents médias" à la question "que faites vous?" est en décalage avec la question puisqu'elle ne définit pas le travail, elle me semble témoigner aussi d'une peur, d'une timidité lorsqu'il s'agit de donner à voir et à entendre son travail et donc de le laisser aux mains du jugement.
Suite à cette discussion autour de la question "Que faites vous?" la réponse la plus juste semble être de répondre par l'évocation du travail présent puisque la question s'encre dans ce temps ci. Il s'agit donc à l'étudiant ou à l'artiste de décrire et de raconter l'état actuel de sa production, à partir duquel la discussion peut s'alimenter de références à des pièces passées et ainsi se construire sur la base solide du présent pour s'orienter sur l'ambiance générale du travail au fur et à mesure. C'est à dire partir de l'intérieur pour aller vers l'extérieur et non l'inverse, ce qui permet de ne pas poser de limite et de construire des propos et une réflexions qui ne peut aller qu'en grandissant. "Plutôt que de tracer une frontière et de travailler dans une logique de l'extérieur vers l'intérieur, ce qui m'intéresse, c'est de partir de l'intérieur selon un processus d'intériorisation qui se déplace vers l'extérieur. je pense que Borromini a été le premier à découvrir cela en architecture. Je ne dessine pas les limites extérieures, je ne trace aucune délimitation." L'informel : Lorsque l'imprévisible se produit de Cecil Balmond. Comme l'écrit Cecil Balmond à propos de sa manière de travailler il s'agit de partir de ce qui est au coeur de notre travail artistique soit le travail en cours ou récent le jour de la discussion, pour raconter la construction d'un processus de travail plus général.
VISIBILITY:HIDDEN #01
Island of an island [1998-2001]
« Voir, entendre, penser, ça commence par mal voir, mal entendre, mal penser, mal comprendre » — Alexandre Costanzo.
Jouons le jeu. Pour "comprendre" Island of an island, nous n'avons ni vu, ni entendu la pièce, seulement écouté Melik nous raconter l'histoire de celle-ci. Comme une bande de gosses à qui on raconte un conte. Le contexte, l'idée, le voyage, les détours, les intempéries, l'avion, la camera 35 mm, Fuji, l'université, Gap, le retour, le palais de Tokyo, la réalité de l'expo, la Mazda… Autant de détails qui ne nous ont servi qu'a comprendre, conceptualiser, imaginer cette pièce, son installation, à partir de son histoire propre, son évolution. Comme si nous étions dans les back stage d'un spectacle, ou devant le making-off d'un film, avec l'impression de découvrir l'envers du décor.
Un tel dispositif d'appréhension d'une oeuvre ouvre une nouvelle dimension. On se crée des images mentales non seulement de la pièce en elle-même, mais aussi du contexte de sa création, des différents acteurs plus ou moins importants croisés sur son chemin.
VISIBILITY:HIDDEN #02
You are mY destinY [2003]
« Voir, entendre, penser, ça commence par mal voir, mal entendre, mal penser, mal comprendre » — Alexandre Costanzo.
Nous prenons place sur les sofas disposés en angle droit dans l'espace de la galerie. La lumière est atténuée, le dispositif d'enregistrement audio visuel est enclenché. Il est seize heure trente, Melik prend la parole. Il nous raconte l'histoire de cette pièce qu'il nomme You are mY destinY. Il nous explique comment il eu l'idée de ce projet, comment il produit cette pièce, comment il la réalise, l'expose et comment elle circule alors par la suite.
Ce soir là Melik nous parle d'identité. Il nous explique les recherches qu'il entreprend sur une personne portant le même nom que lui et probablement les mêmes origines. Il nous raconte ses trajets qu'il effectue entre l'Europe et les États-Unis, la confrontation d'une idée face à une actualité. Il nous dévoile la suite d'accidents qui se produisent sur son chemin ainsi que les événements qui se déclenchent, notamment une arrestation, le début de la guerre en Irak, qui l'amène à boycotter sa propre exposition. Nous sommes alors plongés dans l'histoire, l'aventure de l'artiste. Le temps défile, il est dix-sept heure, Melik termine son récit.
Il est dix-sept heure dix. En visionnant l'enregistrement audio-visuel nous réalisons que l'ensemble du récit est absent. Nous prenons conscience que les informations qui nous furent transmises par l'artiste ne serront jamais retransmises. Le récit de You are mY destinY devient peut être un nouveau chapitre de cette suite interminable d'accidents.
VISIBILITY:HIDDEN #03
THE HALF MAST WHITE FLAG [2005]
Mercredi 23 novembre, notre petit salon/espace de discussion est ‘full packed’, des étudiants en histoire de l’art sont venus assister au récit quotidien de Melik qui aujourd’hui parle de sa pièce The Half Mast White Flag, réalisée en 2005 dans le cadre (ironique) d’une résidence d’artistes à San Antonio, Texas.
Il nous raconte comment cette résidence prévue sur trois mois s’est retrouvée compressée à une période de trois jours suite à des difficultés d’obtention de visa de travail ; comment il lui a fallu délaisser son projet initial et produire une pièce en 72 heures, et comment assumer l’utilisation du symbole d’une nation affectée par des tensions politiques notables.
Tous ces éléments donnent au récit une tournure singulière digne de l’épopée, qui témoigne de la continuelle bataille que l’artiste doit mener face à des contraintes de plus en plus diverses, et de sa capacité à faire sens avec les paramètres d’un territoire difficile face auquel il faut prendre une position tout à fait assumée.
VISIBILITY:HIDDEN #04
MOBILE TV [1995 & 1997]
En 1995, Melik sortait tout juste de son post-diplôme des Beaux arts de Lyon. Un projet en tête, celui d'une émission télévisuelle, Il en parle à une de ses connaissances travaillant à l'Institut d'Art Contemporain de Villeurbanne. On lui présente Pierre Huygues, un de ses contemporains, avec qui l'accroche est apparemment spontanée: Une bonne entente sur le terrain du travail de recherche et du conceptuel. Le binôme commence à travailler sur le projet que Melik Se voyait projeter: L'idée était de monter un plateau de télévision dans l'IAC, et de diffuser via une antenne, leur émission d'art contemporain. Malencontreusement, des problèmes techniques n'ont pu permettre l'émission hors murs de l'espace d'exposition. Seul le dispositif, et les artistes présents sur place entourés d'amis proches en guise d'équipe technique pouvaient être témoin de ce temps-ci.
Cependant, quelques temps plus tard, le projet se relance dans une autre région. On leur propose de réitérer l'expérience au Consortium de Dijon. Même dispositif: Une set télé, une émission d'art contemporain, des intervenants, des expériences live… Les artistes arrivent à avoir l'accord du CSA pour la diffusion de leur programme. Il leur est attribué la huitième chaîne, canal régional. Le projet commence à changer d'ampleur: cinq caméras, une équipe technique composée de proches, et approximativement 57 heures d'émission sur trois mois. Ainsi des artistes sont invités en live à produire avec ce nouvel outil: la diffusion télévisuelle.
Il est donc question de plusieurs temps. Le Set live "cathodique", via la télévision. Chez monsieur tout le monde, tout citoyen ayant dans cette région, le pouvoir de zappeur devant son poste. Le set live en direct dans le lieu d'exposition, pouvant être visité par les protagonistes d'une visite quelconque du consortium. Ceux-ci peuvent assister à l'émission, poser des questions, discuter, débattre avec les artistes. On parle de temps Live - temps présent - et temps direct.
Pour donner une idée de démarche artistique possible avec cet outil performatif; Dominique Gonzales-Foerster a proposée la diffusion de cinquante films. Cependant, sur ceux-ci uniquement la dernière séquence était visible. Ou encore Melik Ohanian a fait une éxérience avec cinq caméras, un aquarium et des poissons rouge. Il verse progressivement pendant une heure et demi, du whisky dans l'aquarium pour en expérimenter ce que j'appellerai l'effet d'une "acclimatation éthylique" mais qui pose surtout la question "comment le contexte influe-t-il sur le sujet ?". En outre, La diffusion télévisuelle est toujours soumise à des retours de téléspectateurs.
La nuit, la chaîne diffuse toujours, même sans les artistes. Non l'émission proprement dite, mais un tout autre concept: Deux numéros sont affichés à l'écran. Ainsi, un auditeur peut appeler, et discuter avec un inconnu qui aurait appelé l'autre numéro. c'est un appel qui ouvre à une nouvelle expérience, parler de ce que l'on veut via la télévision.
Leurs programmes télévisuels étaient créés "comme une partition": Ils pouvaient être rejoués par eux-mêmes, par d'autres, ou réinterprétés par autrui. Action qui mène le projet dans une autre temporalité, on peut se reprojeter plus tard, peut-être dans une autre décennie, un autre siècle. Le Live aurait donc un futur.
Comme nous le découvrons au fur et à mesure, la manière dans laquelle Melik travaille est régie par le spectacle de son quotidien. C'est comme cela que même s'il mène un projet, il croise une nouvelle idée, ou une expérience à réaliser. Lorsqu'il se promène en quête d'images à Dijon, il tombe sur un cycliste d'appartement dans la vitrine d'une laverie automatique. ce personnage est en train de réaliser le record du 24h non-stop de vélo pour le guinness book des records. Cette question de temps intéresse l'artiste et décide de retourner voir le perforer toutes les heures et de le filmer les 10 premières minutes de chaque heures.
Entre le Mobile TV de l'IAC et celui du Consortium, Melik travaille en tant que caméraman sur les plateaux de M6, Notemment celui du Hit Machine. Pendant une pause déjeuner, où rien ne se passe dans le studio désert, il décide de filmer le plateau vide où nul autre qu'un technicien de surface n'est présent. Il met en évidence le temps où rien ne se passe à part cet homme là, passant l'aspirateur. Il donne vie à ce plateau dénué de vie avec les animation lumières prédéfinies par l'émission originale. Pour faire le lien avec Mobile TV, l'artiste décide de diffuser sur leur émission, la chaine 8, son enregistrement du Hit Machine presque vide d'action, à la même heure que la vraie émission.
Suite à cette anecdote, nous commençons à nous questionner sur la notion de droit d'auteur, et de copyrights, que nous développerons dans un autre temps. Ces trois mois d'expérience télévisuelle étaient d'après Melik très passionnant. Il aurait peut-être été question d'exporter le projets dans d'autres régions, voire d'autre pays, cependant la motivation de chacun n'était pas égale… Ce concept de Mobile Tv est un temps passé, mais cependant écrit comme une partition.
Serait-il question d'un chantier, réactivable dans un futur proche?
VISIBILITY:HIDDEN #05
You are mY destinY [2003]
Vendredi 25 novembre, Melik étant parti en déplacement sur Paris est absent. Nous avons donc une journée de production autonome. Cependant, pour le Visibility : Hidden du jour concerné, nous devons présenter une pièce à la place de Melik. L’occasion est idéale : comme nous ne pouvons converser quant à une pièce dont on ne connaît l’histoire, nous reprenons donc You are mY destinY, histoire d’une pièce à l’enregistrement raté.
Ce qui est intéressant, c’est que nous étudiants, avons eu l’histoire de la pièce racontée. En outre, il n’existe à l’heure actuelle aucun enregistrement de Melik qui en parle concrètement. Le dispositif était tel : Nous étions installés dans notre magnifique espace de discussion, sur les sofas qui aspirent le corps de quiconque s’assoit dedans, à se remémorer ce dont l’artiste nous avait parlé. Une oratrice, Marion, contait ce qu’elle avait prit en note, et nous autres, complétions s’il manquait quelques bribes d’histoire. Il s’agissait de partager les fragments de notre mémoire pour avoir une version plus ou moins complète à plusieurs. L’ambiance était détendue, et le temps présent était apprécié par tous.
Comme You are mY destinY est une aventure aux changements de cap, et du à quelques imprévus, le terme "d’accident" est mis en avant. Je ne citerai pas lesquels mais cependant, l’accident de l’enregistrement de Visibility : Hidden sur la pièce étant en grande partie causée par ma faute, je ne raconterai rien sur cette histoire. Rester sur l’accident qui met en évidence que Melik n’aura jamais la possibilité d’offrir sa propre version. Peut-être qu’un mythe de You are mY destinY se met en place ?
VISIBILITY:HIDDEN #06
Talk about Cosmology
De nos jours, il est rare que la science s'ouvre à l'art en qualité de collaborateur. Lorsque l'occasion d'un rapprochement entre art et science s'effectue il s'agit souvent d'un pillage d'images ou de matériels scientifiques qui s'avère être l'illusion d'une collaboration. Il est troublant pour nous d'imaginer la "facilité" d'accès (malgré les péripéties) dont a profité Melik pour son œuvre Island of an Island, avec la communauté scientifique à propos d'un territoire qui leur était initialement attribué.
Notre rapport à la technologie et à la science change. Dans notre société du « tout-immédiat » elle dessert souvent des causes moins attirantes. Paradoxalement, celle-ci fascine (ou a pu fasciner) et est détestée. Elle génère une autre dimension du réel et d'un autre côté détruit ce que nous connaissons de lui.
En ce qui concerne l'espace, le cosmos, un sujet intriguant et attirant pour toute personne concernée par la notion de territoire, d'ailleurs, et, plus loin que le système solaire, par ce qui arrive très vite aux limites de ce que l'on peut concevoir, personne n'a de légitimité, ce qui ouvre le champs libre aux rêveries, à l'imaginaire, et aux projections. Des informations nous parviennent (sur lesquelles on s'appuie malgré qu'elles puissent être vérifiables par un tout petit nombre de personnes) concernant notre rapport à l'espace, au territoire, mais aussi au temps comme on peut le voir dans Mars clock (2008). Nos fondements primaires, que l'on peut penser objectifs comme le rapport au temps sont remis en question. Une question de changement de paramètres que l'on comprends grâce à ce qu'il se passe le plus loin de nous, mais qui touche à notre quotidien, à ce qui règle nos vies.
VISIBILITY:HIDDEN #07
Invisible Film
Pour présenter sa pièce Invisible Film, Melik nous propose une expérience singulière par rapport à sa pièce et au film utilisé dans celle-ci, Punishment Park de Watkins de 1971. Ce qui permet de soulever des question à propos du geste que l'artiste propose avec cette pièce, des notions de décalages spatiaux et temporels, de projection et de réceptacle, et enfin soustraction et de mise en équation.
Melik projette tout d'abord sa pièce comme il la montre habituellement : un plan séquence fixe d'un vieux projecteur de cinéma dans le désert sans écran de projection et dont le faisceau va se perdre dans le paysage. L'extrait suivant ne montre que les sous-titres du film toujours en présence du son (cette version étant présente aussi lors de l'exposition de la pièce, sur un moniteur en dehors de l'espace de projection).Enfin la dernière version est le film original du film de Watkins.
Tout d'abord la juxtaposition de ces trois extraits met en évidence le décalage qui s'opère dans Invisible Film. Comme le titre l'indique, le dispositif du projecteur sans écran pour stopper le faisceau, ne laisse finalement rien à voir si ce n'est la bobine qui se déroule ainsi que le soleil qui se couche. On se questionne alors sur le lieu de projection qui est en fait celui du tournage de Punishment Park. Cela rappelle la pièce Welcome To Hanksville, où Melik décide de filmer Mars dans un décor analogue sur Terre. Ainsi on assiste à une mise en abîme du lieu qui devient à la fois élément diffusé et réceptacle. L'addition est à mettre en parallèle avec le dépouillement du dispositif de cinéma, pas d'écran, pas de salle de cinéma. Ces opérations nous rapprochent du réel, en effet le faisceau retourne à la nature et à son lieu d'origine. La boucle spatiale devient aussi boucle temporelle car la bobine du film de 1971 se superpose au même paysage du temps présent, de plus le paysage désertique qui ne donne aucun indice de datation trouble encore plus le dispositif.
Invisible Film est encore une autre façon pour Melik d'expérimenter et de questionner le dispositif vidéo. Je vous invite à consulter l'enregistrement de cette séance dans la rubrique Document/Sound.
VISIBILITY:HIDDEN #08
Seven Minutes Before [2004]
Seven Minutes Before, c’est un projet qui traine dans un coin de la tête de Melik depuis presque 5 ans lorsqu’il est invité à investir le pavillon français de la biennale de Sao Polo en 2004. Il s'empare alors de cette occasion et du budget qui lui est attribué pour réaliser cet objet "cinématographique". Melik nous parle alors de la notion de montage, de construction d’un film, de son horizontalité.
Sa “réponse” se traduira par une installation; sept écrans, diffusant chacun un plan séquence et une piste audio, disposés les uns à coté des autres, sur une largeur de 40 mètres. Leur point commun: un accident puis une explosion. Chaque écran diffuse le plan séquence filmé par une camera, construisant ainsi sept tableaux, sept déambulations simultanées dans un même décor, se dirigeant indépendamment vers le point de collision.
Le chronométrage est précis, chaque caméra connait exactement sa trajectoire, son but, les événements qui vont se passer dans son champ. La mélodie d'un musicien arménien se superpose alors avec celle d'une musicienne japonaise, d'un slameur, des grognements d'un loup en cage, et le bruit de l'eau ruisselant sur des graviers. Libre alors à celui qui regarde de se plonger plus particulièrement dans un des "récits" ou alors de tenter de regarder les sept écrans dans leur ensemble.
La complexité du dispositif le rend très difficilement descriptible, des indices se révèlent au long du parcours, nous faisant comprendre que toutes ces scènes se passent dans le même espace, le même temps, avec seulement des trajectoires différentes, nous menant vers cette explosion finale.
VISIBILITY:HIDDEN #09
DAYS,
I See what I Saw and what I will See [2011]
Film proposé par Alexandre Costanzo : Offre d'emploi [1981] de Jean Eustache, suivi du film proposé par Melik Ohanian : DAYS, I See what I Saw and what I will See [2011] de Melik Ohanian
Dans Offre d'emploi de Jean Eustache il est question d'un regard porté sur la société habitant les années 80. Une société sans relation, une société en crise, une crise dans l'ordre de la réalité. Les protagonistes évoluent, se croisent, parlent, mais ne se comprennent pas, ils ne parviennent pas à dialoguer. Un malaise s'installe car tout nous semble faux, mal joué, décalé. Pourtant, le fil narratif suit son cours et c'est pour cette raison que ce film d'une vingtaine de minutes pourrait très bien passer comme un court métrage insignifiant et presque ennuyeux.
L'art de Jean Eustache est de filmer cette scène de vie, ce morceaux de quotidien, en utilisant une méthode filmique de champ/contrechamp qui déplace les personnages dans une activité neutre, sans vie. "Des gestes déplacés d'un idiot pour pointer un monde dans lequel le rapport à bouger", comme a pu le préciser Alexandre Costanzo lors de sa prise de parole. On peut désigner, dans ce film, un personnage qui endosse la liaison avec la réalité : la graphologue. Cette femme, chargée de décrypter les lettres de motivation des candidats ayant répondu à l'annonce dans le quotidien, est aussi une métaphore d'une problématique importante qui se joue. Cette problématique concerne le rapport au signifiant et au signifié. Elles ne s'accordent plus aux mots mais à la graphie des lettres, et de manière plus générale, le film pointe cet aspect, cette volonté d'accorder de l'importance au signifiant et non plus au signifié, ce qui traduit le malaise évoqué.
Dans Days de Melik Ohanian, le procédé filmique est aussi l'élément central de ce qu'il s'y déroule. En effet, l'image est envahie par les rails du travelling qui nous est proposé. Puis l'indication du changement de jour sous-entend ce qui n'est pas présent à l'image mais qui dirige le raccord des plans : le labeur. L'installation de ces rails et son utilisation deviennent le pivot de la création, le moteur et la condition de l'existence même du film.
Le travelling nous emmène à parcourir le périmètre interne d'un camp de travailleur, qui de jour est habité de peu de personnes, qui à priori intègrent le dispositif sans y prêter vraiment attention. Nous traversons cette architecture avec une lenteur nécessaire et propice à la contemplation de micro évènements. Comme ce chat qui pendant plusieurs minutes, rend présent le dispositif car il nous renvoie à un contrechamp vers la caméra, l'outil, et donc le spectateur. Ce dispositif aux antipodes du dispositif cinématographique habituellement utilisé, renverse nos appréhensions. D'abord pris par un sentiment étrange d'avoir été déplacé sur le bas côté, de ne pas voir "ce qu'il y a à voir", puis la traversée nous projette brutalement dans le mur avant que le dispositif ne revienne dans le champ de la caméra.
Il est étrange de remarquer que ce qui devient inquiétant pour le spectateur c'est de s'échapper du dispositif, lorsque les rails sont hors champ, alors que cette opération renvoi au travelling tel qu'on le connait et permet à quelques moments (comme au début du film) la contemplation du paysage. Arrivé à la fin des onze jours, la caméra tourne un plan fixe qui pourrait, dans le cinéma, être le début d'un film. Cette manière de démonter le procédé originel du film, de renverser les situations est aussi appliquée dans le dispositif de présentation de l'œuvre. Un seul écran est présent dans l'espace, sur chaque face est projeté une des parties de Days. D'un côté celle tournée de jour et de l'autre, celle tournée de nuit. Mais l'on ne peut qu'imaginer un tel dispositif qui encore une fois remet en question l'utilisation de l'écran, et de l'espace de projection.
VISIBILITY:HIDDEN #10
Datcha Project [since 2005]
Une brique en forme de TParmi d’autresQui font un murQui font une maisonDans un villageEn ArménieDans le monde
Plusieurs personnesSont invitésA faire une pausePour aller vivreEn ArménieDans un villageDans une maisonEntre des mursDe briquesEn forme de T
Aucune instruction n’est donnée, pas de programme, pas de scénario écrit. Melik Ohanian ne fait qu’amorcer un temps dans lequel s’inscrit une rencontre. L’expérience sera documentée avec un retard de 5ans.
Initié en 2005, le Datcha Project (datcha : maison secondaire) détermine une zone et un temps d’expérimentation et engage une réflexion sur la notion de non production. Qu’est ce que la (non) production ? Quelle est notre position vis à vis de ce mot galvaudé ? Peut-on parler de production du point de vue de l’individu ?
Dans Days de Melik Ohanian, le procédé filmique est aussi l'élément central de ce qu'il s'y déroule. En effet, l'image est envahie par les rails du travelling qui nous est proposé. Puis l'indication du changement de jour sous-entend ce qui n'est pas présent à l'image mais qui dirige le raccord des plans : le labeur. L'installation de ces rails et son utilisation deviennent le pivot de la création, le moteur et la condition de l'existence même du film.
Le Datcha Project marque un temps d’arrêt dans le quotidien de plusieurs personnes, il ouvre un interstice dans lequel le temps semble apprécié à sa juste valeur et où il serait possible de mal voir, mal entendre, mal penser, mal comprendre (référence à Alexandre Costanzo).
GUEST :
Formation Ex.e.r.ce
Intervention des étudiants de la formation Ex.e.r.ce du Centre Chorégraphique de Montpellier, sur Ann Lee, une pièce filmique de Melik Ohanian.
Sous l’invitation de Melik, les étudiants d’Ex.e.r.ce sont venus se joindre à nous le temps d’un après-midi. Cette rencontre d’abord basée sur la volonté d’un temps partagé, était aussi l’occasion de rejouer une expérience. En effet, lors de la création de At.Late en 1998, la compagnie de Merce Cunnigham avait effectué un Event en regard avec le travail de Melik. At.Late était projettée à l’Opéra Garnier, et en simultané les danseurs improvisaient sur la durée de la pièce.
Nous avons donc proposé un même protocole mais avec une œuvre plus récente : Ann Lee. Ann Lee est un caractère de manga, racheté par Pierre Huygue et Phillipe Parreno. Tous deux ont décidés de confier le déroulement de la vie d’Ann Lee à une dizaine d’artistes. Pour en venir à la mort du signe, grâce à des manipulations administratives, Ann Lee est devenue la seule propriétaire de ses droits.
Pour la plus part des étudiants du Centre Chorégraphique, l’occasion a donné lieu à leur première visite dans les locaux des Beaux-Arts. Les questions en anglais et en français fusaient. Nos invités étaient bien curieux de comprendre ce qui se déroule dans cette galerie, de ce qui allait se passer, du pourquoi étaient-ils invités, … Puis après une discussion autour de ces questionnements, le mouvement s’est mis en place. D’abord en regard avec le menu de la vidéo, puis dans un temps silencieux du à un problème technique puis avec une des versions de la vidéo, avec puis sans son, …
Les corps s’activaient, se déplaçaient, les points de vue se croisaient, parfois se répondaient. Cependant, cette approche était, il me semble un peu brutale, le point de départ, le petit malaise surement du au fait de devoir s’exposer, devoir former un groupe avec des personnes que l’on connaît à peine, laissait planer une ambiance silencieuse et des fois un peu lourde, appuyée par la nuit tombante.
Pour cette rencontre les étudiants des Beaux arts et Melik Ohanian remercient Lynda, Viktor, Şamil, Rodrigue, Oumaima, et Maxime.
GUEST :
Bénédicte & Christian HUBERT DELISLE
[CHD Production]
VISIBILITY : HIDDEN #11
Commandes publiques
Qu’il s’agisse de commande publique (1% et autres) ou de commande de particuliers, il nous raconte le déroulement de la fabrication d’une oeuvre.
A travers plusieurs exemples d’artistes qui ont fait appel à eux pour réaliser une oeuvre, Christian et Bénédicte profilent un panorama des dialogues et relations plus ou moins conciliants qui se créent entres eux et les artistes et des contraintes rencontrées au cours de la mise en forme d’un projet. Contraintes d’ordre techniques et/ou institutionnelles relatives aux matériaux et aux normes.
Dans un deuxième temps une version Montpelliéraines de Peripherical Communities est enregistrée dans l’espace de la gallerie.
Plusieurs slameurs d’horizons différents viennent faire entendre leurs voix dans un dispositif d’enregistrement spécifique au projet.
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J-1
J-1 avant la fin du temps DISPLAY ; NONE. Nous avons continué ce qui avait été mis en oeuvre les jours précédents, mais la réflexion était surtout orientée sur la façon de montrer ce qui avait été pensé et orchestré pendant ces trois semaines une fois le lieu dépourvu de notre présence. Comment rendre compte d'un temps vivant et le figer? Nous avons fait le choix de remodeler notre espace de travail sur les postes informatiques pour lui attribuer une nouvelles configuration qui élimine l'idée de 'work in progress' pour être démonstratif. Et décidé que tous les objets domestiques, représentatifs de notre présence devaient déserter l'espace avec nous, le titre de l'exposition se fondre avec le mur… L'idée n'étant pas de théâtraliser l'espace mais de graver des actions passées dans ce lieu.
Il s'agissait donc de ne pas "montrer" mais de laisser une trace. Qu'est ce qui reste dans un espace qui a été habité pendant un temps, qui a connu l'effervescence d'un groupe, la matérialisation de certains objets,..? Cette trace concerne autant le lieu que ce que l'on va retenir de cette rencontre car nous sommes porteurs de la mémoire de cette expérience. Ces moment de partage seront probablement à l'origine de nouvelles perceptions, de nouvelles ouvertures ou préoccupations. Le "trop tard" de cette exposition deviendra alors le "trop tôt" d'une réflexion dérivée de tout cela, la naissance d'une pensée empirique construite sur notre vécu du DISPLAY : NONE.
EXHIBITION IS OVER
THANKS TO ALL PARTICIPANTS IT WAS A REAL PLEASURE ...